LES HELICOPTERES CARNIVORES

Fabuleuses acrobates, les libellules sont des prédateurs redoutables. Cinq mille six cents espèces de libellules volent sur notre planète depuis trois cent cinquante millions d’années. Elles ont eu le temps d’inspirer les humains. Leurs vols stationnaires, leurs agilités dans les airs, leurs rapidités en font de redoutables prédateurs. Prédateurs, les libellules le sont déjà pendant leurs stades larvaires aquatiques. Certaines se jettent directement sur leurs proies les déchiquetant avec des mandibules puissantes, d’autres les happent avec une langue de caméléon. Les larves de libellules sont moches, terrifiantes. Elles ont du inspirer plus d’un réalisateur de film de science fiction. Heureusement les adultes sont gracieux, élégants et d’une habileté déconcertante. Il faut voir le ballet des libellules les soirs d’été lorsque les mannes émergent de la pellicule de l’eau. Les hélicoptères carnivores foncent sur leurs proies à quelques millimètres de la surface bouillonnante du torrent. Les libellules font des loopings, se reprennent et attaquent en piqué. Quel spectacle !
Les odonates (appelées ainsi en raison de leurs puissantes mandibules dentées) sont partagées en deux sous ordres : les demoiselles (Zygoptera) et les libellules (Anisoptera) La science qui étudie les odonates est l'odonatologie,et les spécialistes sont les odonatologues. Les odonates sont un ordre d’insectes aquatiques à corps allongé garni de deux paires d’ailes membraneuses, de trois paires de pattes et de deux gros yeux composés de facettes qui leur permettent de repérer facilement leurs proies. Elles mesurent jusqu'à cent dix millimètres d'envergure, mais on a retrouvé des spécimens fossiles ayant une envergure de sept cent millimètres.
Les mâles odonates attendent que les femelles passent à leur proximité ou vont les chercher en explorant leur territoire. La fécondation de la femelle n’est pas immédiate pendant l’accouplement qui peut durer une heure. Celle-ci peut stocker les spermatozoïdes. Les œufs fécondés sont ensuite pondus en zone humide ou sous l’eau. La forme des oeufs est fonction du support de ponte et lors de pontes sur les plantes aériennes bordant les rives ils auront tendance à être oblongs plus arrondis pour la ponte dans l'eau. Chez certaines espèces la ponte se fait avec le mâle encore accouplé. Chez d’autres, le mâle reste à proximité de la femelle pour pas que d’autres viennent la féconder, il est alors doté d’organe permettant d’éliminer le sperme des partenaire précédents ou tout simplement quitte une première femelle pour en trouver une autre.
Les œufs des libellules glissent dans les substrats aquatiques. Les prolarves subissent jusqu’à douze mues en quelques semaines à cinq ans avant de devenir des larves carnivores donc chasseuses qui capturent leurs proies avec leur lèvre inférieure qui est très agrandie et qui peut être projetée. Cette lèvre s'appelle le masque et c'est une arme redoutable. Les vers de vase, les petits poissons affaiblis, ainsi que d'autres insectes font partie de son régime alimentaire. On peut reconnaître les larves des anisoptères et des zygoptères. La forme générale est très allongée chez les zygoptères (demoiselles) avec trois lamelles en terminaison de l'abdomen qui permettent la respiration. Les larves d'anisoptères sont plus larges et plus courtes, elles sont aussi souvent plus grosses car les adultes sont souvent de plus grande taille.
Les larves de libellules ne subissent pas de métamorphose totale mais elles se transforment régulièrement. Les ailes se développent dans des fourreaux alaires qui recouvrent presque la totalité de l'abdomen. Lors de la dernière mue, la larve monte sur des roseaux ou sur des végétaux du bord de l'eau. En peu de temps, la peau s'ouvre au sommet du thorax, et la libellule adulte sort. L’imago émerge sur un support dur et laisse une exuvie. L’insecte sèche en plusieurs minutes et reste très vulnérable avant de pouvoir s’envoler. La demoiselle gracieuse et colorée s'envolera en quelques minutes ou en quelques heures pour les anisoptères. Une libellule immature n’a pas encore acquis les caractères spécifiques d'un adulte. L’évolution des couleurs, l'apparition ou l'accentuation de motifs colorés permet de caractériser un sujet sexuellement mûr.
Les prédateurs naturels des libellules sont certains oiseaux insectivores comme le gobe-mouche gris, le guêpier d’Europe ou le faucon hobereau. Les araignées tisseuses de toiles comme les épeires, les capturent bien souvent. Les odonates peuvent vivre de dix jours à plusieurs mois d’avril à octobre dans le monde aérien.
Les odonates sont des chasseuses très habiles. Leur vol est extraordinaire de rapidité et de virtuosité, elles sont capables de planer, d’effectuer : un virage sur l’aile, un vol stationnaire, une marche arrière, ou une montée verticale pour capturer une mouche. Quatre vingt dix espèces peuplent la France. Leur présence au bord de l’eau signe la bonne santé des rivières. Les populations d’odonate sont menacées par la disparition de leurs proies aquatiques et volantes liée à l’eutrophisation, à la pollution des cours d’eau et à l’assèchement des zones humides. Les insecticides, les pesticides, les lessives, les métaux lourds, les hydrocarbures font de véritables ravages dans les populations d’odonates. Celles-ci étant placées haut dans les chaînes alimentaires bio magnifient ces polluants en les intégrants dans leurs structures. Les odonates sont de véritables bioindicateurs des écosystèmes aquatiques. Elles illustrent une biodiversité importante.
Le réchauffement climatique favorise la migration des espèces du sud vers les territoires du nord envahissant des niches écologiques occupées par des espèces locales. De nouveaux équilibres ou de nouvelles compétitions se forment pour sculpter des populations mixtes.